
Mains d'avenir — La voie de Clément, préparateur forme chez Massaro

En plusieurs portraits et autant d’histoires, la série « Mains d’avenir, la voie des artisans » donne à voir les trajectoires, passions et réflexions de celles et ceux qui « font » l’artisanat français. Aujourd’hui, rencontre avec Clément, préparateur forme pour Massaro, bottier sur mesure depuis 1894.
Depuis un an, Clément sculpte les formes en bois qui donnent naissance aux souliers sur mesure de la Maison Massaro.
Une pièce essentielle du puzzle, dans cet atelier nord-parisien où l’artisanat se conjugue au futur, entre traditions et nouvelles technologies.
De la basket à la botte couture

À 15 ans, Clément ne savait pas qu’il deviendrait artisan d’art — il avait tout simplement une affinité avec le soulier.
« Au départ, c’était vraiment la basket qui m’intéressait. Puis j’ai découvert la chaussure de ville et j’ai compris qu’il y avait un vrai savoir-faire derrière. »
Pour apprendre les gestes et comprendre la matière, il se tourne d’abord vers les Compagnons du Devoir. Son CAP cordonnier-bottier en poche, il se spécialise ensuite en podo-orthèse, un virage paramédical qui lui permet d’équiper une patientèle qui en a besoin en chaussures sur mesure. Rapidement, une certitude s’impose : il préfère créer que réparer.
« J’ai toujours préféré fabriquer. Réparer des chaussures, c’est bien. Mais les fabriquer, c’est encore mieux. »
Sculpter pour chausser
Chez Massaro, Clément occupe aujourd’hui un poste clé : préparateur forme. Son rôle est ainsi de transformer les mesures prises sur le client en un objet bien réel, en trois dimensions.
« Nous partons des mesures pour sculpter une forme en bois, qui servira ensuite à fabriquer la chaussure. C’est en quelque sorte de la sculpture », s’amuse-t-il.
Pour ça, il utilise des outils traditionnels — râpes, ponceuses — mais aussi des technologies de pointe. Scanner 3D, machines à commande numérique…
L’atelier conjugue habilement les savoir-faire anciens aux innovations :
« Le scan 3D permet de réduire nos rebuts de bois et d’améliorer notre utilisation de la matière. L’impression 3D pourra aussi, peut-être, nous servir à fabriquer des plateformes. »
Un métier qui se partage
Si le geste reste artisanal, le processus est collectif.
« Chez Massaro, chacun a une tâche bien précise, souligne-t-il. Je suis pour ma part au tout début de la chaîne. Après moi, d’autres vont intervenir, alors si on ne communique pas bien et si on ne travaille pas ensemble, ça ne peut pas fonctionner. »
Cette culture du travail d’équipe, Clément l’a expérimentée dès ses premiers pas dans la Maison.
« Je suis arrivé pour aider sur une collection. À l’époque, je travaillais encore dans mon ancienne entreprise la journée, et je venais chez Massaro en fin d’après-midi, pour filer un coup de main. C’était intense, mais passionnant », se rappelle-t-il.
Créer pour les autres

S’il aime son métier, c’est aussi parce qu’il fabrique pour les autres :
« Je ne me suis jamais fait de chaussures pour moi. Je préfère en fabriquer pour des proches. »
Des proches qui le soutiennent, bien qu’il y ait eu quelques inquiétudes au départ.
« Ce sont des métiers rares. Mais aujourd’hui, ils sont super contents, insiste-t-il. Et sûrement fiers de dire à leurs amis où je travaille et ce que je fais. »
Mais son projet favori reste, à ce jour, une paire qu’il a conçue pour une cliente à la demande bien particulière :
« C’était une chaussure à talon… sans talon. Il fallait faire en sorte qu’avec la plateforme, la cliente puisse tenir debout et marcher du haut de ses 15 cm. C’était un vrai défi technique. »
“Je ne pense pas qu’on puisse faire un métier comme le nôtre sans être passionné. Ici, on a l’impression de participer à quelque chose qui nous dépasse.”
Clément, préparateur forme chez Massaro